Homélie

Les magnifiques extraits de la Parole de Dieu que nous avons entendus aujourd’hui ne sont évidemment pas le fruit du hasard. Charles et Valérie ont vécus une démarche de prière, pendant le pèlerinage des Journées Mondiales de la Jeunesse , pour « RECEVOIR » la parole que le Seigneur désire leur adresser comme couple. En effet, des amis leur avaient dit: « la Parole de Dieu de votre mariage est un mission que le Seigneur vous confie pour toute votre vie d’époux ».

Dans le feuillet de célébration que vous avez entre les mains, dans les pages du début, vous avez un mot de Valérie et Charles. Ils expliquent leur choix des lectures et de l’Évangile. Ainsi, pour eux:

  • Le mariage est un grand mystère (cf. Eph 5, 32): mystère de chacun des deux époux.
  • Ce mystère, c’est celui d’avoir été créé à l’image de Dieu et, par leur sexualité, par leur diversité d’homme et de femme, de pouvoir ressembler à Dieu par leur complémentarité (cf. Gn 1, 27).
  • Plus qu’une simple promesse le mariage est un sacrement qui opère une transformation. De deux réalités d’individus, une seule réalité de couple est formée, dans l’espérance de porter un fruit désiré par Dieu (cf Jn 15, 5).

En soit, l’homélie est en quelque sorte déjà faite par ce texte. Merci Charles et Valérie de me simplifier la tâche! N’ayant pas d’homélie à faire, je me permettrai seulement une petite réflexion … petite ne signifie pas courte, mais simple! …, réflexion que je vous adresse à vous, Charles et Valérie. Évidemment, si d’autres personnes dans l’église veulent écouter, ce n’est pas interdit! Tant qu’à avoir fait tout ce chemin pour venir entourer Valérie et Charles, aussi bien en profiter!

J’aimerais donc vous parler de la vigne de l’Évangile. Si cette vigne porte du fruit c’est parce qu’elle a des sarments qui lui demeurent attachés. La vigne en elle-même ne donne pas le fruit: elle donne aux sarments la nourriture (sève) nécessaire pour que le sarment donne lui-même le fruit attendu.

En cela, Jésus explique qu’il a besoin de nous, de vous, pour que la sève de sa vie porte un fruit savoureux. Comme on le dit dans une prière de la messe, souvent faite en silence par le prêtre: « Tu es béni Dieu de l’univers, toi qui nous donne le pain (vin); fruit de la terre (vigne) et du travail des hommes, il deviendra le pain de la vie (vin du Royaume)! » Dieu dépose donc en vous le « fruit de la terre »: les talents et charismes, les dons et richesse, les forces et la capacité pour aimer… mais il attend le travail de vos mains pour que par tous ces dons merveilleux, votre amour deviennent un amour de grande qualité (pain de Vie et vin de son Royaume)! C’est vous qui êtes les seuls responsables des fruits que donnera votre mariage. La vigne ne vous fera jamais défaut ; seuls les sarments se dessèchent parfois.

Jésus affirme, en effet, que certains sarments se dessèchent et doivent être enlevés pour ne pas tirer inutilement la sève. Aussi, même lorsqu’elle donne du fruit, il faut nettoyer la vigne, l’émonder, l’entretenir… en prendre soin! En fait, à chaque jour, il faut prendre soin de sa vigne intérieure et se nettoyer des sarments secs. Le Petit Prince (que vous avez lu ensemble dans les derniers jours) rappelle qu’il faut prendre soin de sa planète si on ne veut pas qu’elle éclate à cause des Baobabs. On le sait, un petit rien qu’on laisse traîner trop longtemps devient rapidement une montagne!

Évidemment, Jésus parle ici de la relation personnelle que nous devons entretenir avec lui. Cependant, le choix du texte de la Genèse que vous avez fait montre combien Dieu a conscience que l’homme est homme: il connaît la réalité de notre incarnation et la respecte. « Cela est très bon! »: dit-il. Il sait bien que notre relation avec lui est intimement reliée à la relation que nous entretenons entre nous. Aussi, non seulement devez-vous constamment demeurer dans un chemin de conversion dans votre relation au Seigneur, mais également dans votre mariage!

Oui! Vous entendez bien. Votre mariage, est un chemin de conversion, d’ajustement, de découvertes de vous-même, en empruntant les yeux de votre époux, épouse pour découvrir le regard de Dieu sur vous. Ainsi, les petits riens qui paraissent souvent insignifiants ont un pouvoir énorme sur un amour qui est aussi fragile qu’il est sublime! Ils voilent subtilement les yeux, privant votre époux du regard de Dieu sur lui/elle.

Le choix de votre deuxième lecture (qui, au passage, n’est pas évidente à commenter, même pour un prêtre!) explique bien cela. Si le texte fait parfois grincer les dents de certaines personnes parce que l’on y lit: « femmes, soyez soumises à vos maris »… Il ne faut pas oublier que cette partie est introduite ainsi: « Par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres ». On comprend que les maris sont également soumis à leurs épouses! On ne parle évidemment pas ici de soumission de force ou de contrainte. C’est « par respect pour le Christ » que cette soumission doit être vécue. Qu’est-ce à dire ? Cette « soumission » est un acte d’humilité profonde, c’est se « mettre sous » (sous-mettre, soumission) la parole de quelqu’un… Quelqu’un en qui nous accordons notre confiance car nous reconnaissons en ses paroles, les paroles de Vie que le Seigneur Jésus nous adresse.

Vous soumettre l’un à l’autre, c’est donc quotidiennement reconnaître que l’Esprit de sainteté vous habite tous les deux et qu’il vous appelle à la conversion par la voie de l’amour de votre époux, épouse! Charles, tu entendras, dans la voie de Valérie, celle du Seigneur qui t’invite à donner sans cesse le meilleur de ton âme. Valérie, tu entendras, dans la voie de Charles, celle du Seigneur qui te fortifie avec tendresse.

Cette « sous-mission », l’un envers l’autre, exige de chacun un effort d’humilité et de conversion. Votre mariage n’est pas le sommet de votre amour… mais un chemin qui conduit vers un sommet! En effet, vous ne vous mariez pas d’abord parce que vous vous aimez. Vous vous mariez pour vous aimer.

Vous vous mariez parce que vous avez déjà senti votre cœur se serrer et laisser monter cette prière vers le Seigneur: “Ah, si seulement je savais l’aimer comme il/elle le mérite!”. Et si ce cri ne vous est jamais monté des lèvres, qu’il en monte aujourd’hui, en ce jour où vous sentez, à côté de vous, vibrer un être unique dont vous mesurez toute la profondeur.

Vous vous mariez parce que vous mesurez combien le cœur auquel vous allez vous donner et que vous vous apprêtez à recevoir est un bien si précieux que tout l’or et les diamants du monde sont comme de la poussière à ses côtés. Et vous ne voulez surtout pas en faire n’importe quoi.

Vous vous mariez parce que vous avez fait l’expérience de vos limites, parce que vous savez qu’aimer un cœur est au-dessus de vos forces. Vous savez votre cœur trop étroit, souvent maladroit, peut-être même quelque fois égoïste.

Vous vous mariez parce que vous savez qu’on s’habitue vite aux grâces les plus belles, et que les yeux du cœur s’usent lorsqu’ils ne sont pas baignés chaque jour de la lumière de Dieu. Vous ne voulez pas vous habituer à la beauté de l’autre, au point de ne plus savoir la déceler un jour.

Vous vous mariez parce que vous voulez redécouvrir chaque jour, dans son premier éclat, ce cœur qui vous a séduit un jour par son rayonnement. Le mystère d’une âme vous a saisi: vous ne voulez pas vous lasser l’un de l’autre, mais vous voulez continuer à vous émerveiller l’un devant l’autre. Vous voulez que celui / celle que vous épousez aujourd’hui apprenne de votre amour et de votre fidélité combien il est précieux aux yeux de Dieu, combien il est beau, elle est belle : image et ressemblance de Dieu. Vous ne voulez surtout pas l’abîmer. Bien au contraire… l’embellir!

Alors, aujourd’hui, ensemble, vous vous mettez devant Dieu, pour Lui demander de vous apprendre à vous aimer « à son image et à sa ressemblance », avec une patiente délicatesse, armés d’un obstination vigilante, avec ce renoncement fidèle à soi-même et dans cette pureté du cœur que vous ne pouvez recevoir que de Lui.1

Vous vous mariez, non pas devant de Dieu… mais EN Dieu! En celui qui seul connaît véritablement votre époux / épouse… son âme et son cœur! En le laissant vous émonder chaque jour, il saura, lui, ajuster parfaitement vos cœurs l’un à l’autre afin qu’en vous regardant… en regardant cet amour sans cesse converti et soumis… nous découvrions cet amour unique de Dieu qui, dans ce sacrement du mariage, vous fait « à son image et à sa ressemblance ».

P. Francis-Marie-Xavier, fmj

  1. Inspiré d’une homélie de mariage.